Mesures de gestion, aires marines protégées, pollutions: agir pour reconstruire les stocks de poissons
Ce Mardi 5 Mars 2020 était organisé par Caroline Roose un webinaire ayant pour questionnement la reconstruction des stocks de poissons. Pour échanger sur le sujet, Caroline Roose, députée européenne du groupe Verts/Alliance libre européenne et membre de la Commission pêche, avait à ses côtés Didier Gascuel, Anne-Marie Vergez, Alice Belin et Christian Decugis. Le ton de la soirée était donné : en 2020 au plus tard, le bon état écologique des mers devait être atteint par les Etats membres de l’Union Européenne, ce qui s’avère être un échec. Ainsi, trois grands sujets ont été abordés lors de ce webinaire : la surpêche, les aires marines protégées et la pollution.
« Il faut arrêter de subventionner les surexploiteurs des océans »
Selon Didier Gascuel, professeur en écologie marine à Agrocampus Ouest, membre du Comité Scientifique, Technique et Economique des Pêches (CSTEP) de l’Union Européenne et du comité scientifique de l’Ifremer, la situation s’est améliorée en 15 ans. La pression de pêche a été divisée par 2 en Atlantique et on assiste donc à une augmentation des stocks de poissons. Mais malgré cette amélioration, 38% des stocks de l’Atlantique restent surexploités. De plus, l’état des stocks est calculé par rapport au Rendement Maximum Durable (RMD), qui est d’après Didier Gascuel dépassée. Il faut aujourd’hui aller au-delà du RMD, raisonner à l’échelle de l’écosystème, et non plus espèce par espèce. « Il ne faut pas croire que lorsque l’on atteint le RMD, tout va bien ». A cela, Anne-Marie Vergez, patron pêcheur à Saint-Jean de Luz et co-présidente de la plateforme de la petite pêche artisanale française, ajoute que l’Article 17 de la Politique Commune des Pêches, concernant la répartition des quotas tournée vers une pêche plus sélective, n’est pas appliqué en France comme dans d’autres pays membres de l’Union Européenne. « Il faut arrêter de subventionner les surexploiteurs des océans ». Un changement des pratiques de pêches est ainsi nécessaire : travailler sur le maillage des filets, favoriser les engins les plus sélectifs au détriment des technologies incompatibles avec la préservation des ressources et retourner les rejets à terre sont les solutions proposées par ces deux acteurs de l’environnement marin.
Pierre Karleskind, président de la Commission pêche et député La République En Marche (LREM), a également participé à l’échange en posant la question du coût du poisson et des importations, susceptibles d’augmenter avec une baisse des rendements. Question à laquelle Didier Gascuel a répondu qu’en travaillant sur le maillage, il sera possible de pêcher au moins autant qu’actuellement. Il a ainsi introduit la notion de Rendement Maximum Economique (RME). En diminuant l’effort de pêche, on touche moins à la biomasse et on diminue les coûts d’exploitation, ce qui est plus rentable du point de vue économique. « On consomme aujourd’hui beaucoup plus que ce qui est produit dans les eaux européennes » poursuit-il. Un changement des modes de consommation va ainsi de pair avec un changement des pratiques de pêches. Cela fait écho à l’étude publiée également le 5 Mai par l’association Bloom, intitulée « L’imposture du label MSC ». Changer les modes de consommation des citoyens oui, mais difficile si les outils mis à disposition tels que le label « Pêche durable MSC » (Marine Stewardship Council) ne sont pas fiables. Selon Bloom, « les méthodes de pêches les plus impactantes qui existent, comme les chaluts de fond et les dragues, représentent 83% des captures certifiées MSC ».
« Beaucoup d’AMP sont des aires marines de papier »
Le problème des Aires Marines Protégées (AMP) a également été soulevé. Leur efficacité dépend de leur degré de protection et actuellement, même si 12% des eaux européennes sont couvertes par des AMP, seulement 1,8% disposent d’un plan de gestion. Alice Belin, responsable politique marine de l’ONG Seas At Risk, souligne l’absence de réglementation et l’utilisation de techniques de pêches destructrices dans certaines d’entre-elles. « Pêche professionnelle bien gérée et AMP ne sont pas incompatibles », nous dit Christian Decugis, du Groupe d’action locale, pêche et aquaculture et président de l’Association pour la pêche et les activités maritimes (APAM). Selon lui, il est indispensable d’impliquer les pêcheurs et de donner les moyens financiers et législatifs pour surveiller ces aires marines protégées. Une bonne gestion des pêches, combinée à une bonne gestion des AMP, doit constituer 100% de l’espace maritime selon Didier Gascuel. Mais pour le moment, « beaucoup d’AMP sont des aires marines de papier ».
« Le mot clef dorénavant est la résilience »
Le réchauffement et l’acidification des océans ont déjà des répercutions sur les écosystèmes. La surpêche n’est pas le seul problème auquel font face les espèces, les problèmes environnementaux sont également une cause de la diminution de la biomasse. Les acteurs de ce webinaire se sont accordés pour dire qu’en parallèle d’une bonne gestion de l’espace maritime, diminuer nos gaz à effets de serre est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. Selon Didier Gascuel, « le mot clef dorénavant est la résilience ». Les conséquences de ces changements visant la préservation des ressources marine ont été principalement traitées par Alice Belin : d’abord, l’augmentation de l’aquaculture, prévisible de par la diminution de l’effort de pêche, souvent polluante, nécessite de surcroît la pêche de poissons sauvages pour nourrir les poissons d’élevage (25% de la pêche est destinée à l’alimentation animale). Didier Gascuel s’accordera sur le fait « qu’il faut inventer d’autres formes d’aquacultures vertueuses, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui ». De plus, qui dit limiter nos gaz à effet de serre, dit accroître la part d’énergies marines renouvelables (EMR). François-Xavier Bellamy, député Les Républicains, a ainsi questionné les participants sur l’impact de l’éolien en mer sur les populations d’espèces marines. Pour Alice Belin une étude d’impacts avant la construction de parcs EMR est essentiel, dans le but de toujours privilégier le projet de moindre impact sur l’environnement.
Finalement, chacun des participants a donné ce qui, pour lui, correspond aux mesures essentielles à prendre pour qu’il y ait « plus de poissons dans les mers ». Pour Alice Belin, il s’agit d’abord d’arrêter la surpêche, de respecter les quotas fixés par rapport au RMD, même si elle admet que cela est insuffisant, mais également d’adopter une réglementation efficace des aires marines protégées. Anne-Marie Vergez opte pour faire appliquer l’Article 17, arrêter les subventions qui encouragent la surpêche et rendre obligatoire le débarquement des rejets. Didier Gascuel, quant à lui, propose de mettre en place une politique incitative et que 10% des quotas soient attribués sur critères environnementaux et sociaux, pêcherie par pêcherie et stock par stock. Pour finir, Christian Decugis souhaite dans un premier temps que la réglementation en vigueur soit appliquée.