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Webinaire : Quelles solutions pour lutter contre la pollution plastique dans l’océan ?

Compte-Rendu par Léa Bonniec

Constats alarmants, initiatives privées et politiques publiques

La Journée mondiale de l’océan avait lieu avant-hier, lundi 8 Juin. Journée de conférences, de discussions entre chercheurs et politiques et de partage avec la société civile sur le thème de l'innovation au service d'un océan durable. C’est aussi lundi que l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales) a choisi de présenter son étude « Lutte contre la pollution plastique marine : état des lieux et perspective » et de débattre sur le sujet lors d’un webinaire en compagnie de Brune Poirson, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition Ecologique et Solidaire et vice-présidente de l'ANUE (Assemblée des Nations Unies pour l'Environnement), Gaetano Leone, coordinateur du plan d’action pour la Méditerranée, Leila Meistertzheim, membre de la Fondation Tara Océan et Glen Wright, chercheur en politique internationale de l’océan et membre de l’IDDRI. Ce webinaire était modéré par Sébastien Treyer, directeur de l’IDDRI.

L’étude de l’IDDRI : faire le point sur les différentes initiatives et leur cohérence

Entre 5 et 13 millions de tonnes de plastique finissent dans les océans chaque année. C’est par ce constat alarmant que Glen Wright commence sa présentation. Des plastiques qui se dégradent lentement, se fragmentent en particules de plus en plus petites, affectant de plus en plus d’espèces et entrant dorénavant dans les chaînes alimentaires. Des plastiques vecteurs de contaminants chimiques, adsorbant à leurs surfaces une grande variété de polluants, mais aussi de contaminants biologiques, permettant la dispersion d’espèces invasives. Pour pallier ces problèmes, plusieurs conventions et programmes existent déjà, mais selon Glen Wright, le cadre international est trop fragmenté et inadapté à un problème global tel que la pollution plastique. Les différents instruments déjà mis en place ne traitent pas la totalité des composants chimiques (Convention de Stockholm, 2001), ne sont pas juridiquement contraignants (Global Programme of Action for the Protection of the Marine Environment from Land-based Activities) ou ne couvrent que la pollution en mer (Convention de Londres, 1972). Or, 80% des plastiques qui finissent en mer viennent de la terre. Des cadres juridiques régionaux existent également, tels que la Convention de Barcelone pour la Méditerranée ou encore la Convention de Carthagène pour les Caraïbes, ainsi que des initiatives nationales, visant à réduire la vente et la consommation de plastique à usage unique, à mieux trier les déchets et à les réutiliser. La société civile et le secteur privé donnent, eux aussi, naissance à de nombreux projets de nettoyage (Clean2Gether, The Ocean Cleanup) ou encore de recherche, comme la « Mission Microplastique 2019 » de la Fondation Tara Océan. Cette mission a pour objectif d’identifier les sources de microplastiques dans l’environnement marin, de prédire leurs devenirs et d’évaluer l’impact des plastiques sur la biodiversité. Les données sont actuellement à l’étude. « Les microplastiques sont omniprésents dans les fleuves européens » indique Leila Meistertzheim. Selon elle, la solution n’est pas de déployer des moyens pour récupérer les plastiques qui se trouvent au fond des océans (seulement 1% se retrouve en surface), mais elle se trouve à terre, car la fragmentation a souvent lieu en amont. Leila Meistertzheim nous rappelle que les plastiques ont des effets néfastes sur tous les processus physiologiques des organismes marins et qu’ils ont été retrouvés chez 100% des humains testés. Supprimer les emballages des fruits et légumes, définir exactement ce qu’est un produit à usage unique et mettre en place le système de la consigne sont selon elle les premières mesures à prendre pour lutter contre la pollution plastique dans l’océan.

Brune Poirson : les points clefs de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire

Et en France, qu’en est-il ? En Juillet 2019, Brune Poirson présente en conseil des ministres le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire. En clair, une loi qui vise une société du tout réutilisable que l’on peut résumer en trois mots : réduire, réemployer, recycler. « Si on ne change pas nos modes de consommation, nous n’y arriverons pas » nous dit Brune Poirson. Cela se traduit par se passer des emballages non indispensables et concevoir des produits facilement démontables et réutilisables. L’échéance est donnée à 2040, pour se donner le temps d’y arriver, nous dit-elle. L’objectif est la fin progressive de tous les emballages plastiques à usage unique, par palier, en interdisant les pailles et couverts jetables en 2021, les sachets de thés et le suremballage en plastique des fruits et légumes de moins de 1,5 kg en 2022, la vaisselle jetable dans les fast food lorsque le repas sera servi sur place en 2023. Transformer le système de collecte et de recyclage des déchets passe aussi par la mise en place de la consigne. Pour remplacer le plastique à usage unique, des alternatives sont possibles, comme le plastique biodégradable, qui doit être produit à partir de matières biosourcées et durables. Leila Meistertzheim n’y voit qu’un seul problème : l’absence de législation au niveau européen.

Côté santé, Brune Poirson est claire : « certaines entreprises profitent de la crise pour faire des amalgames entre l’usage unique dans le domaine médical et l’usage unique dans la vie courante ». Ces entreprises feraient ainsi dire ce qu’elles veulent aux études scientifiques pour pousser le consommateur, par peur que le virus responsable de la Covid-19 reste sur les surfaces, à acheter puis à jeter. Selon Gaetano Leone, la situation, déjà sérieuse auparavant, va s’empirer avec la crise sanitaire. Seules la solidarité et la collaboration entre les Etats en matière de gestion des déchets plastiques peuvent apporter une solution. « Nous sommes tous connectés les uns aux autres et à la nature, et cette crise nous l’a prouvé » ajoute-il.

Un traité international ?

Un groupe d’experts sur les déchets plastiques et les problèmes de gouvernance mondiale les concernant, créé lors de la troisième ANUE, doit rendre compte de ses travaux lors de la cinquième ANUE en février 2021. Des accords juridiquement contraignants sur la question du plastique en mer sont souhaités par plusieurs Etats et le sujet d’un nouveau traité apparaît de plus en plus dans les discussions et la littérature. Mais, d’après Glen Wright, il faudrait d’abord mieux coordonner au niveau mondial les actions liées au plastique et renforcer les synergies entre les conventions existantes. Toujours d’après l’article de l’IDDRI, l’ONU Environnement reconnaît qu’un nouveau traité prendrait trop de temps compte-tenu de l’urgence de la situation. Mais la coordination entre les Etats s’amorce déjà, notamment avec le PAM (Plan d’Action pour la Méditerranée), coordonné par Gaetano Leone qui vise notamment à mettre en œuvre les protocoles de la Convention de Barcelone liés à la pollution. Concernant la pollution plastique, le PAM a pour objectif de « prévenir, réduire et contrôler la production des déchets marins et leur impact sur le milieu marin et côtier ». Le One Planet Summit, porté en partie par Emmanuel Macron, président de la République française, a pour but d’accélérer les initiatives en faveur de la transition écologique et de la politique du « zéro déchet » (engagement 4, action 2 « One Planet Charter »). Il faut « travailler avec les convaincus et embarquer ceux qui ne le sont pas encore », conclu Sébastien Treyer.