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Webinaire: Pêche électrique,

le bilan après la victoire

Un an après le tournage du documentaire Watt the Fish, quel bilan peut-on dresser de la campagne contre la pêche électrique ?

Jeudi 15 Octobre, l’association environnementale BLOOM organisait un webinaire présidé par Laetitia Bisiaux, chargée de projet « pêche électrique » chez BLOOM, un an après la sortie du documentaire Watt the Fish. Younous Omarjee, président de la commission du développement régional au Parlement Européen et eurodéputé du groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, a entamé la soirée, suivi de Stéphane Pinto, pêcheur et porte-parole des fileyeurs des Hauts-de-France et de Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM. L’occasion pour nous de faire un point sur cette technique de pêche controversée.

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« Une méthode de pêche qui appartient à un autre temps »

La pêche électrique, ou pêche au chalut à impulsions, a été inventée en 1992 par un pêcheur néerlandais. Elle consiste en l’envoi d’impulsions électriques depuis un chalut dans le fond de la mer, paralysant alors les poissons enfouis dans les sédiments qui se soulèvent et sont donc plus faciles à attraper. « Une méthode de pêche qui appartient à un autre temps », selon Younous Omarjee. La pêche électrique est interdite par l’Union Européenne depuis 1998 mais les Pays-Bas détiennent depuis 2007 des dérogations leur permettant d’équiper, à titre expérimental, 15 chaluts. Jusque-là, pas de problème. Mais les Pays-Bas auraient équipé bien plus de navires, plus de 95 selon BLOOM, un « essor complètement disproportionné » pour Frédéric Le Manach. « Ils ont mis le pied dans la porte ». C’est ce constat effarant qui a mené l’association à déposer plainte auprès de la Commission Européenne contre les Pays-Bas une première fois en 2017, puis une seconde fois en 2019, sans résultat. Une Commission Européenne « dure avec les plus faibles [les petits pêcheurs, NDLR] et faible avec les plus fort », insiste Younous Omarjee, alors même que les Hollandais se trouvent dans l’illégalité la plus totale. Le 25 Juillet 2019, le règlement européen n° 2019-1241, publié au Journal officiel de l’Union européenne, mettait fin à la pêche électrique dans ses eaux à compter du 1er Juillet 2021, y compris aux dérogations détenues par les Pays-Bas. « Cela montre qu’il est possible d’y avoir des victoires contre les lobbys », se réjouit Younous Omarjee. La France, elle, a choisi de mettre en place ce règlement dès le 14 Août 2019, interdisant ainsi les chaluts électriques dans ses eaux de la Mer du Nord, c’est-à-dire jusqu’à 12 milles marins à partir des côtes françaises. Une nouvelle campagne, permettant à chaque citoyen de déposer plainte auprès de la Commission Européenne, a été lancée par BLOOM le 12 Octobre 2020 et accuse les Pays-Bas de bénéficier encore de 27 dérogations. Selon Stéphane Pinto, l’Union Européenne elle-même mériterait d’être « sanctionnée pour les erreurs qu’elle a pu commettre ».

« Les lobbys ont coloré la pêche électrique pour en faire une innovation scientifique et durable »

Deux camps s’opposent. D’un côté, les gros armateurs hollandais défendent cette technique comme étant économique et écologique, les bateaux consommant moins de carburant, ne raclant pas les fonds et limitant les captures accessoires. De l’autre, les petits pêcheurs dénoncent une situation catastrophique dans les eaux où la pêche électrique est pratiquée, une technique de pêche tout sauf sélective, des colonnes vertébrales de poissons brisées et un manque d’études permettant de quantifier l’impact réel de cette méthode sur la ressource. Les scientifiques appellent ainsi au principe de précaution, mais « les lobbys ont coloré la pêche électrique pour en faire une innovation scientifique et durable », nous dit Younous Omarjee. La plupart des armements de la pêche industrielle en Europe a été rachetée par les Pays-Bas, leur accordant ainsi un fort lobby d’Etat pour la pêche électrique, ce qui n’est pas le cas de la France. Pour le moment, Annick Girardin, Ministre de la Mer, ne s’est pas exprimée sur le sujet et la position de la France reste donc en faveur de l’interdiction de la pêche électrique en Europe.

« Les subventions ne doivent pas servir à détruire l’environnement marin »

Les petits pêcheurs des Hauts-de-France ont particulièrement souffert de l’arrivée de cette technique de pêche et la situation n’a fait qu’empirer ces dernières années, notamment avec la raréfaction de la sole et les difficultés de diversification. Il y a dix ans, il y avait encore 80 fileyeurs français en mer du Nord, contre 35 aujourd’hui. Rappelons qu’un emploi en mer correspond à quatre emplois à terre. « Nous devons être beaucoup plus préservateurs des ressources, et ne pas faire n’importe quoi », nous dit Stéphane Pinto. Si aucune solution n’est trouvée, demander un plan de sortie de flotte (1) pour 2021 sera envisagé. La question des subventions a ainsi été posée sur la table. Selon Frédéric Lemanach, « si on supprimait les subventions pour les petits et gros pêcheurs, ce sont surtout les gros qui en souffriraient ». Mais faire la différence entre les subventions existantes est nécessaire pour Stéphane Pinto, qui considère que certaines d’entre-elles sont utilisées à bon escient. Le tout est qu’elles ne servent pas à détruire l’environnement marin. Se battre pour une pêche durable et responsable, protéger les ressources en premier lieu et continuer le combat contre la pêche électrique auront été les derniers mots de ce webinaire.

(1) Aides à l'arrêt définitif d’activités de pêche données

L'association BLOOM a lancé une campagne afin que chaque citoyen puisse porter plainte individuellement auprès de la Commission Européenne contre le gouvernement néerlandais pour non respect du règlement européen d’interdiction de la pêche électrique. Plus d'informations ici:

https://plaintecitoyenne.bloomassociation.org/

Pour aller plus loin :

La bande annonce du film: