Au commencement était le verbe. La Genèse est invoquée dans les prémices de la journée sur la biodiversité. Cela n’est pas lié au lieu mais attire notre attention sur le rapport toujours entretenu entre Homo sapiens et le reste de la nature. Axel Kahn, président du C3E4 (comité consultatif commun d’éthique de l’INRAe, du Cirad, de l’IFREMER et de l’IRD), nous rappelle que l’anthropocentrisme invitait déjà l’humain à faire le meilleur usage de son environnement. La conscience de l’Homme lui donne une responsabilité particulière. De cette conscience, de cette responsabilité, émerge la volonté de préserver la nature. Que ce soit par survivalisme ou par amour de ce qu’on appelle « nature », l’humain voit que mettre en péril son environnement remet en cause sa propre nature. Dans cette nature, se trouvent des espaces privés, des espaces communs et -de plus en plus rares- des espaces vierges. Parmi les espaces communs ou vierges, la mer occupe une place importante. Nous verrons plus tard que la protection de la biodiversité est liée au niveau d’appropriation des espaces par les personnes.
Commençons par comprendre quelles sont les caractéristiques de la biodiversité marine. Aujourd’hui la biodiversité n’est plus définie comme un ensemble d’espèces, « une collection de timbres » selon les termes repris par Philippe Cury mais comme une série de fonctions assurées par des espèces ou groupes d’espèces. La perte de ces fonctions est toujours néfaste. Elle peut entrainer la perte de services écosystémiques, directement dommageables pour l’Homme. Ainsi, le poisson soutien 10% de la sécurité alimentaire mondiale en 2015. Autre exemple : les mangroves ou les récifs coralliens protègent les écosystèmes côtiers des perturbations océaniques. La mer est surtout le principal réservoir à carbone, ce qui en fait un élément central dans la lutte contre le changement climatique. On estime que la mer contient plusieurs milliards d’espèces dont seulement 1% est répertorié. Les organismes qui la peuplent présentent un potentiel important dans le domaine pharmaceutique. Certaines espèces sont adaptées aux conditions les plus extrêmes ce qui implique l’existence de mécanismes moléculaires exceptionnels que l’Homme doit encore découvrir. La ressource génétique à l’origine des molécules en jeu est ainsi devenue l’objet de fortes convoitises comme nous le verrons dans notre billet sur le traité de la haute mer. Les océans hébergent les plus grandes espèces au monde. Il s’agit bien sûr de la baleine bleue et autres grands cétacés. La majeure partie des organismes inconnus appartiennent plutôt au règne micro voir nanoscopique. Le phytoplancton constitue la base du réseau trophique, nourrissant le zooplancton. Le plancton dans son ensemble désigne tous les organismes en suspension qui se déplacent selon le courant. Il comprend les méduses ou les diatomées. Ces dernières produisent à elles seules 25% de l’oxygène que nous respirons.
La biodiversité est la matrice constitutive des systèmes vivants dans lesquels nous évoluons. Plus qu’un ensemble d’espèces, elle est une composante vitale du système terrestre. La disparition d’une espèce est à déplorer en elle-même, mais elle traduit surtout la fragilisation progressive de cette matrice. Les écosystèmes marins ont la particularité d’être peu visibles de l’Homme ce qui en fait une victime silencieuse. Ils sont notamment touchés par la pollution plastique et le changement de la composition atmosphérique. La résilience qu’ils assurent face au changement climatique pourrait s’avérer beaucoup moins efficaces en cas de bio-désertifications. On parle donc d’effets cumulés de la perte de biodiversité et du changement climatique. La chute de la biodiversité marine est synonyme de dysfonctionnement global. Prochainement nous verrons comment le concept d’aquasphère apparaît dans le vocabulaire international pour caractériser ses spécificités et enrayer les mécanismes responsables. Mais avant cela, retrouvez-nous demain pour une réflexion en eau profondes où nous parlerons de fumeurs noirs et de terres rares.