La haute mer couvre toutes les zones qui ne sont pas sous juridiction nationale : c’est-à-dire la partie des océans hors ZEE (zone économique exclusive qui peut s’étendre à 200 miles des côtes). Le traité sur la haute mer est une étape cruciale dans la construction du droit international car il décidera de l’avenir de 45% de la surface du globe. Il s’agit de choisir le rapport entre l’humanité et la nature dans des espaces qu’aucun état n’a de légitimité à s’approprier par rapport aux autres. La haute mer est convoitée pour la pêche, l’extraction de ressources minérales et pour le potentiel génétique de sa biodiversité. C’est un lieu d’échanges : 80% du transport de marchandise en volume s’effectue par voie maritime. Des câbles de télécommunication traversent les océans. La pêche y est réglementée par les ORGP (organisations régionales de gestion des pêches). Les ressources halieutiques concernées sont essentiellement les grands migrateurs : thons et espèces assimilées.
Le traité s’intéresse à trois points sensibles :
- Propriété des découvertes liées à ces ressources (en particulier génétiques).
- Droits de pêches.
- Droits d’exploitation des ressources minérales.
Pour le potentiel génétique : comment exploiter les découvertes sans commettre d’injustice ? Les entreprises et les états en mesure de diriger des recherches dans ce sens ne le feront que si cela leur donne un avantage compétitif. Pas question de partage dans ces conditions. Or la France se positionne en faveur d’un principe de liberté de la recherche scientifique en haute mer interdisant toute forme de privatisation des ressources. Si le partage est imposé, qui investira ? Faut-il donc un budget international ? Cela implique également de la formation et de l’aide au développement comme le souligne Serge Segura, ambassadeur français des océans.
Concernant la pêche, de nombreux spécialistes comme Daniel Pauly appellent à l’interdiction pure et simple des activités de hors ZEE. De cette manière, la haute mer deviendrait un sanctuaire dans lequel les migrations des espèces concernées seraient assurées. Les profits des pêches dans les ZEE seraient augmentés et de nombreuses injustices - comme la pêche en bordure de ZEE étrangères- seraient évitées. Seulement les traités internationaux n’engagent que les pays signataires ce qui risque de compromettre l’efficacité de telles mesures. Faut-il donc créer des AMP (aires marines protégées) sachant que seules les plus contraignantes ont démontré leur efficacité ?
Quelles sont les règles à adopter pour l’autorisation ou le refus d’exploitation de ressources minières en eaux internationales ? On propose d’imposer des évaluations d’impact environnementaux. Cela est-il suffisant ? La chercheuse Françoise Gaill invite, pour les écosystèmes marins, à retravailler la règle « éviter-compenser-réduire », appliquée actuellement en milieux terrestres et à aller plus loin.
Enfin, il est important de souligner l’instabilité du trait qui sépare les eaux internationales et nationales pour certains états. Lorsqu’on décide de créer le concept de ZEE à Montego Bay en 1982, on imagine la ZEE en termes de distance par rapport aux côtes. Mais la convention internationale du droit de la mer rend aussi possible l’extension de ces zones jusqu’en bordure du plateau continental si celui-ci dépasse les 200 miles nautiques. Certains pays cherchent à étendre leur ZEE, particulièrement en Arctique où les travaux d’exploration laissent présager d’importants gisements en gaz, pétrole et minerais. 30 millions de km2 de plateau continental pourraient ainsi s’ajouter aux 120 millions Km2 de ZEE à l’échelle du globe.
La majorité des décisions restent à prendre concernant le droit de la mer international. L’objectif du traité sur la haute mer est de proposer un cadre juridique global qui permette d’y régir les activités humaines. La Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (communément appelée « accord BBNJ ») sous l’égide de l’ONU est chargée de prendre ces décisions. La quatrième et dernière session qui devait avoir lieu du 23 mars au 3 avril à New York vient d’être reportée. Affaire à suivre…